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sombres lendemains

buttons, dans l’appel vaillant de la hache, vers le bûcheron. Lui s’arrêtait, souriant, disait un mot joyeux, et reprenait la corvée.

Tout se taisait maintenant : la hache bruyante et la voix paternelle. Les enfants l’entrevoyaient, leur père, assis, le front dans les mains, l’outil gisant, inerte, à ses côtés. Il rêvait, regardait au loin, dans les profondeurs de la forêt, sans pensée dans les yeux, sans larmes non plus, obsédé par quelque vision macabre. S’il la secouait, la tenace vision ! s’il la chassait par de grands coups de hache sur les arbres immobiles !… c’était le remède à la mélancolie sombre. Les enfants le comprenaient, mais n’osaient rien dire, non pas même troubler de leur présence peut-être mal venue, l’éternelle rêverie.

Ils s’en revenaient, moins alertes, en proie à la pensée triste qui les tourmentait bien aussi, les pauvres petits. Le bois les enveloppait à nouveau de la brume des soirs, des langueurs automnales ; parfois, brusquement, le vent subit frappait les vieux bouleaux et se déchirait dans les sapins touffus ; d’autres fois, il pleurait lentement parmi les branches molles des hautes épinettes… Ils s’arrêtaient pour entendre le vent gémir ; cela ressemblait au glas d’un jour de mort. Et Théodule ou François disait : « Écoutez : la cloche de l’enterrement… »