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Page:Diodore de Sicile - Bibliothèque historique, Delahays, 1851.djvu/53

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LIVRE I.

sement les mystères institués par Orphée. Depuis lors, cette opinion, dont les mythographes et les poëtes se sont emparés, a rempli les théâtres et s’est beaucoup fortifiée par la tradition. C’est ainsi, dit-on, que les Grecs se sont approprié les héros et les dieux les plus célèbres, et jusqu’aux colonies qui viennent de l’Égypte.

XXIV. Hercule qui, confiant en sa force, avait parcouru une grande partie de la terre et élevé une colonne aux frontières de la Libye, était aussi d’origine égyptienne ; les Grecs eux-mêmes en fournissent les preuves. En effet, d’après la croyance générale, Hercule avait aidé les dieux de l’Olympe dans la guerre contre les géants. Or, l’existence des géants ne coïncide nullement avec l’époque de la naissance d’Hercule, laquelle est fixée par les Grecs à une génération d’hommes antérieure à la guerre de Troie ; mais elle remonte plutôt, comme l’affirment les Égyptiens, à l’origine même des hommes ; et, à partir de cette époque, ils comptent plus de dix mille ans, tandis qu’ils n’en comptent pas douze cents depuis la guerre de Troie. De même aussi, la massue et la peau de lion ne peuvent convenir qu’à l’antique Hercule ; car, les armes n’étant pas alors inventées, les hommes n’avaient que des bâtons pour se défendre et des peaux d’animaux pour armures. Les Égyptiens donnent Hercule pour fils de Jupiter, mais ils ne connaissent pas sa mère. C’est plus de dix mille ans après qu’Alcmène eut un fils, d’abord appelé Alcée, et qui prit ensuite le nom d’Héraclès (Hercule), non pas, comme le prétend Matris, à cause de la gloire qu’il obtint par Junon[1], mais parce que, digne émule de l’ancien Hercule, il eut en partage la même renommée et le même nom. Les Égyptiens citent encore à l’appui de leur opinion une tradition depuis longtemps répandue chez les Grecs, suivant laquelle Hercule purifia la terre des monstres qui la ravageaient. Or, ceci ne peut se rapporter à une époque aussi rapprochée de la guerre de Troie, puisque la plupart des pays étaient déjà civilisés et se distinguaient par l’agriculture, le nombre des villes et de leurs habitants. Ces

  1. Héra (Junon) et kléos (gloire) ; de là, Héraclès, nom grec d’Hercule.