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Page:Diodore de Sicile - Bibliothèque historique, Delahays, 1851.djvu/69

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LIVRE I.

tout le temps que les laboureurs le jugent nécessaire. Comme le courant est très-lent, ils le détournent aisément au moyen de petites digues, et font répandre les eaux dans les champs quand ils le jugent à propos. Tout cela rend la culture du sol si facile et si profitable qu’après sa dessiccation les laboureurs n’ont qu’à y jeter la semence et à y conduire les bestiaux, qui la foulent sous leurs pieds ; au bout de quatre ou cinq mois ils reviennent pour la moisson[1]. D’autres, après avoir passé une charrue légère sur les champs qui ont été ainsi arrosés, recueillent des monceaux de fruits sans beaucoup de dépense et de peine. En général, chez les autres peuples, l’agriculture demande de grandes dépenses et bien des soins ; ce n’est que chez les Égyptiens qu’elle est exercée avec peu de moyens et de travail. Le terrain vignoble, cultivé de la même manière, rapporte aux indigènes abondance de vin. Les terrains qu’on laisse incultes, après l’inondation, donnent des pâturages si riches que les troupeaux de brebis qu’on y nourrit donnent une double portée et une double tonte. Les crues du Nil sont un phénomène qui frappe d’étonnement ceux qui le voient, et qui paraît tout à fait incroyable à ceux qui en entendent parler. En effet, tandis que les autres fleuves diminuent vers le solstice d’été, et se dissipent de plus en plus à dater de cette époque, le Nil seul commence alors à croître, et ses eaux grandissent de jour en jour, jusqu’à inonder

  1. On commence vers la fin de juin à s’apercevoir de la crue du Nil au-dessous de la dernière cataracte. Cette crue devient sensible au Caire dans les premiers jours de juillet. Pendant les six ou huit premiers jours il croît par degrés presque insensibles ; bientôt son accroissement devient plus rapide ; vers le 15 août il est à peu près arrivé à la moitié de sa plus grande hauteur, qu’il atteint ordinairement du 20 au 30 septembre. Il se trouve, au 10 novembre, descendu de la moitié de la hauteur à laquelle il s’était élevé ; il baisse encore jusqu’au 20 du mois de mai de l’année suivante. Ces variations cessent de se faire apercevoir sensiblement, jusqu’à ce que le fleuve recommence à croître à peu près à la même époque que l’année précédente. Au moment de la crue, ses eaux, bourbeuses, sont chargées de sable et de limon ferrugineux qui leur donnent une couleur rougeâtre ; elles conservent cette couleur pendant toute la durée du débordement, et ne la perdent que peu à peu, à mesure qu’elles rentrent dans le lit. Elles redeviennent enfin parfaitement limpides. La plus grande hauteur de la crue du Nil est d’environ sept mètres au-dessus du niveau des eaux basses. (Girard, Observations sur la vallée du Nil, t. X, p. 33 ; de la Description de l’Égypte.)