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LIVRE I.

le Nil. Cet historien ne nous paraît ni avoir lui-même visité le sol de l’Égypte, ni avoir pris des renseignements exacts auprès de ceux qui en connaissent la nature. D’abord, si le Nil ne recevait son accroissement que dans l’Égypte même, sa crue n’existerait pas dans les contrées plus hautes, où le sol est rocailleux et compact ; or, son cours à travers l’Éthiopie est de plus de six mille stades, et ses eaux grossissent déjà avant d’arriver en Égypte ; ensuite, si le lit du Nil était au-dessous du niveau d’un terrain alluvionnaire spongieux, il serait impossible que ces crevasses superficielles fussent suffisantes pour le séjour d’une si grande masse de liquide, et si le lit du fleuve était supérieur à ce terrain crevassé, l’eau ne pourrait pas s’écouler de ces cavités inférieures sur une surface plus élevée. D’ailleurs, qui voudrait croire que ces sueurs aqueuses, sortant d’un sol alluvionnaire, puissent faire croître le fleuve de manière à submerger presque toute l’Égypte ? Je passe sous silence l’idée mensongère qu’on a de ces atterrissements et des eaux qui se conservent dans leurs fissures : ces erreurs sont palpables. Car le Méandre, fleuve de l’Asie, a formé de grands atterrissements qui ne présentent rien de semblable aux crues du Nil. Il en est de même de l’Achéloüs, fleuve de l’Acarnanie, et du Céphise en Béotie, lequel prend son origine dans la Phocide et dépose également beaucoup de terrain alluvionnaire ; l’un et l’autre mettent en évidence l’erreur de l’historien. Au reste, il ne faut pas chercher, à cet égard, de l’exactitude chez Éphore, puisqu’on le voit, sous beaucoup d’autres rapports, manquer à la vérité.

XL. Quelques philosophes de Memphis ont essayé de donner de la crue du Nil une explication plus spécieuse que convaincante, et qui est adoptée par beaucoup de monde : ils divisent la terre en trois parties ; l’une est notre continent, l’autre a les saisons inverses des nôtres, et la troisième, située entre ces deux parties, est inhabitable par son extrême chaleur. Si le Nil croissait en hiver, il tirerait évidemment son accroissement de notre zone, par suite des pluies qui tombent chez nous, principalement vers cette époque. Or, comme sa crue a, au contraire,