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DIENNÉ, HIER ET AUJOURD’HUI

n’est pas moins inattendue que la rencontre d’un hippopotame dans le salon d’une Parisienne.

Voici venu le dernier jour que je passe à Dienné. Depuis le matin c’est un défilé des amis que lentement je me suis faits parmi les habitants. Oh ! très lentement. Nos premières relations n’avaient pas manqué de beaucoup d’hésitations, de défiances même. Ils ne comprenaient pas cet Européen, ni soldat, ni commerçant, le premier qu’ils vissent dans ce cas. Mes questions multiples, perpétuelles, inattendues, et telles que les blancs n’avaient pas l’habitude de leur poser, les déroutaient. Quand l’interprète les leur avait transmises, ils se regardaient en riant, pensant sans doute : Quelles drôles d’idées il a, ce blanc-là ! Qu’est-ce que tout cela peut bien lui faire ? Puis, ayant appris que le marabout le plus savant de la ville me faisait la lecture du Tarik, et que J’appelais souvent d’autres marabouts auprès de moi, noircissant des feuilles de papier à les écouter, je commençai à me classer dans leur esprit. On m’appela : « Marabout toubab », le marabout blanc, et ce sobriquet fut vite populaire. Bientôt pendant mes promenades, ce furent de toutes parts des saluts, à la mode arabe chez les hommes, avec la main droite se portant au front puis au cœur, et chez les femmes le geste gracieusement gauche du salut militaire. Je ne m’y méprenais pas. Il y avait dans ces démonstrations beaucoup de compassion et d’indulgence pour le maniaque, en somme inoffensif, pour « l’homme aux questions ».

Un jour je pus enfin leur parler en connaissance de cause, de leurs ancêtres, de leur grande épopée et de leurs petites anecdotes. « Ihô, ihô ! (Ah ! ah !) me dirent-il triomphalement, nous savons : tu veux écrire un Tarik (histoire) sur les noirs pour les blancs. » Dès lors ils m’apportèrent complai-