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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

confiés à des esclaves mâles et femelles. Elle, se contente de donner des ordres et de veiller à leur exécution. Les loisirs ne lui manquent donc pas. Elle les emploie soit à lire, car elle est lettrée, soit à faire de la musique, jouant d’un petit violon dont l’unique corde est en poils de chameau, soit à faire des visites chez ses amies et à en recevoir, soit aussi à fumer… la pipe (on n’est pas parfait).

À côté de ces mondaines, Tombouctou compte, et surtout comptait en très grand nombre, des demi-mondaines qui imitaient les premières en toutes choses. Voici comment on me décrivit les diverses phases de la grande vie dans la métropole du Soudan :

« Les affaires laissent souvent des loisirs. Il faut attendre que certains articles soient arrivés, que d’autres aient augmenté ou diminué de prix. Pour se distraire, le commerçant étranger convoque alors des amis, à midi ou de préférence le soir, et leur offre un repas. On mange ensemble un mouton gras accompagné de pigeons, de couscouss, de dattes, de noix de kola, de galettes en farine de blé ou de gâteaux au miel. On boit du thé, quelquefois du café. Des marabouts, de savants conteurs à qui l’on a fait quelque cadeau, sont également invités et charment la réunion avec les récits du vieux temps. Chacun raconte aussi les événements et les histoires du pays d’où il vient. C’est ainsi que nous savons beaucoup de choses à Tombouctou, non seulement ce qui se passe au Maroc, à Tripoli ou au lac Tchad, mais même les nouvelles venues d’Europe et de France.

« Ces petites fêtes sont devenues assez rares avec les temps de malheur. Autrefois, chaque jour quelqu’un venait vous prier. Et c’était bien autre chose ! Alors beaucoup d’Arabes du nord habitaient la ville ; on en comptait dans une seule rue quarante, gros et gras. Alors on aurait pu construire une maison avec des pains de sucre, tant les caravanes en apportaient. Car les gens de Tunis, de Ghadamès et de Fez aiment