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L’UNIVERSITÉ DE SANKORÉ

Mais partout où apparaît la religion musulmane, s’introduit sent en même temps la langue du Koran et les sciences arabes qui — dans les idées du croyant — en découlent. Le livre saint contient tout, ou du moins, pour le disciple de Mahomet, doit tout contenir. Le Koran règle les croyances des hommes, soit religieuses, soit philosophiques. Il régit leurs droits : c’est un code où tout est décrété. En sorte qu’expliquer le Koran revient à enseigner la Religion, la Philosophie et la Loi. La grammaire et la littérature elles-mêmes en découlent, car elles s’enseignent d’après la langue parlée par le rédacteur du livre saint, sur des exemples qui en sont tirés.

Ainsi la langue et la culture arabes se répandirent sur les frontières du Pays des Noirs et y eurent bientôt leur boulevard à Oualata où résidaient, nous l’avons vu, « les premiers parmi les hommes pieux et savants ».

La population de Oualata s’étant transportée à Tombouctou, ce fut elle qui devint ce boulevard. Des savants et des poètes maures d’Espagne vinrent s’y réfugier et apportèrent les moissons de Grenade et de Cordoue. Les caravanes du Nord transmirent les progrès de Fez, Marrakech et Tunis. Les pélerinages annuels à la Mecque et à Médine initièrent aux perfections du Caire. Mieux que toute autre, Tombouctou put donc profiter des conquêtes, et de toutes les conquêtes de l’esprit arabe ; mieux que toute autre, elle put rassembler les nouvelles acquisitions intellectuelles et composer les bibliothèques les plus complètes.

Entrepôt de marchandises, elle devint de même un entrepôt de langues et de sciences arabes, et les répandit au loin, de même que le sel et les étoffes. Le capharnaüm linguistique qu’était la métropole du Soudan eut, pour s’entendre, un langage commun. Songhoïs, Foulbés, Toucouleurs, Touaregs, Bambaras, Mossis, Haoussankés, Malinkés, etc., se comprirent au moyen de l’arabe, qui est aujourd’hui encore d’un usage courant à Tombouctou.