Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
LA POLITIQUE ET LA LITTÉRATURE

En tant qu’historien, il se montre consciencieux et n’hésite pas à donner deux versions d’un même événement sur lequel il est en doute. Sa biographie de Sunni Ali, le grand impie, nous le montre suffisamment impartial. Mais son livre est surtout remarquable par l’admirable philosophie (islamique, bien entendu) qui s’en dégage. C’est une œuvre morale de haute élévation et particulièrement propre à exercer sur les cerveaux nègres la plus heureuse influence. Il ne se contente pas d’exposer les événements. Il les explique. Et non en ayant recours au fatalisme, si commode pour un musulman ; en disant d’une catastrophe, d’un désastre : « C’était écrit. » Il s’efforce d’exposer les faits comme une récompense de Dieu quand ils sont heureux, comme un châtiment de tel ou tel crime quand ils sont funestes. Sévère pour toutes les infractions aux lois divines chez les rois comme chez les humbles, flétrissant la cruauté, il narre complaisamment toute bonne action, il ne manque pas d’exalter le courage, et en particulier le courage civique. Son œuvre est un véritable recueil de morale en action, et le plus attrayant de ces sortes de livres, car les fables, les merveilles et les miracles s’entremêlent agréablement aux événements réels. Je dirai encore que le Tarik est à l’heure actuelle le d’Hozier du Soudan. Avoir des ancêtres qu’il cite est un titre de noblesse.

Malgré tout l’agrément que le Soudanais trouve à la lecture de son livre classique d’histoire, il est cependant un charme qui lui échappe totalement et que nous seuls pouvons goûter. C’est la naïveté, la bonhomie et la sincérité délicieuses qui sont répandues à travers cette œuvre. Comme Homère, Abderrahman Sadi parfois s’oublie la plume à la main. À côté des événements historiques les plus graves, il retient également les menus faits, comme, par exemple, « ce corbeau blanc qui apparut à Tombouctou le 22 rebia 1616 jusqu’au mercredi 28 djoumada,