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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/42

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CHAPITRE X

En apprenant que Maria Renaud consentait enfin à devenir sa femme, le veuf Bernier se sentit heureux à un degré qu’il n’avait jamais cru possible d’atteindre.

— Me voici arrivé au faîte du bonheur, se disait il. Maintenant il ne s’agit que de m’y maintenir.

Quant aux remords et aux troubles de conscience il n’en éprouvait guère, car selon ses principes élastiques, il ne considérait pas qu’il avait mal agi dans aucune circonstance.

Il avait une façon de se dissimuler à lui-même les véritables motifs de ses actions.

C’était ainsi qu’il avait fait dans l’affaire de Xavier LeClerc.

Il ne s’était jamais avoué qu’il éprouvait pour ce jeune homme de la haine et de la jalousie et qu’il sentait le besoin de s’en débarrasser.

Au contraire, il s’était dit qu’il était de son devoir d’empêcher Xavier d’épouser Maria Renaud, parce que celle-ci ne serait pas aussi heureuse avec ce jeune homme, pauvre et obscur, qu’elle le serait avec lui-même.

Mais, comme toujours, il imposait silence à sa conscience.

Il savait bien qu’il avait calomnié Xavier LeClerc, mais il se justifiait en se disant qu’il l’avait fait pour de bons motifs.

Et, maintenant que Xavier donnait en effet prise aux mauvaises langues, il se sentait de plus en plus justifié et ne perdait jamais l’occasion de raconter au long tout ce qu’il apprenait de mal sur le compte de ce dernier.

C’était de la médisance, il est vrai, mais s’il est un péché auquel bien des gens, d’ailleurs bons et religieux, se livrent avec autant d’acharnement que le font les impies, c’est sans contredit celui de la médisance.

— Mais, c’est vrai, ce que je dis là, vous dira quelqu’un à qui vous reprochez ses discours peu charitables sur le prochain.

Sa conscience savait mieux que cela ; sa conscience savait qu’il ne se souciait pas que Maria fût heureuse, ou malheureuse, pourvu qu’il fût heureux lui-même.

C'est vrai ?