Aller au contenu

Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE XI

Aussitôt que le veuf eut appris le consentement de Mde Champagne à son projet, il ne perdit pas de temps à se mettre en recherche d’une école quelconque pour l’enfant.

Enfin, aidé des conseils d’un prêtre de ses amis, il se décida de l’envoyer à une école de frères, dans une campagne assez éloignée de Montréal.

Le frère directeur de cet établissement était un homme très strict et très sévère, disait-on, et n’avait pas son égal dans l’art de corriger et de dompter les enfants indociles et mal élevés.

C’était dans cette catégorie que le veuf classait le petit Joseph depuis son aventure avec lui. Il se persuadait que l’enfant avait besoin d’être mené bien sévèrement, et qu’il agissait pour son bonheur, en l’éloignant de sa grand’mère, qui ne savait que le gâter.

En aidant aux préparatifs du départ de son petit-fils, sa seule consolation sur terre, la pauvre grand’mère pleurait et se lamentait.

Quant à l’enfant lui-même, depuis qu’il avait appris ce qu’on allait faire de lui, il s’était renfermé dans un mutisme absolu, duquel Mde Champagne elle-même ne pouvait le tirer.

La vérité, c’est qu’il en voulait à sa pauvre grand’mère de céder ainsi au veuf, car il ne comprenait pas les motifs qui la faisait agir ainsi.

Quant à son oncle, son aversion pour lui s’était doublée tout simplement. Il ne savait pas encore raisonner sur ses sentiments ; il ne comprenait rien sur les affaires de sa grand’mère, ni sur celles du veuf, mais son instinct (ce sentiment est souvent la sauvegarde de certaines natures franches et honnêtes) l’avertissait que le veuf était, d’une manière ou d’une autre, hostile à lui et à sa grand’mère.

Mais il n’aurait pas su exprimer par des paroles les sentiments qu’il ressentait.

Cependant, quand l’instant du départ fut arrivé, la froide réserve qu’il affectait depuis quelques jours envers sa grand’mère fit place à un désespoir navrant que la pauvre femme partageait.

Il se cramponnait à son cou de toutes ses forces et le veuf, énervé