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DESCARTES.

dans la science, l’idéalisme cartésien ne nous présente-t-il point aussi un autre aspect de l’univers que le premier n’exclut pas et que, de plus en plus, la philosophie devra mettre en lumière ? Puisque Descartes lui-même nous invite à le suivre « au moins une fois » dans son monde de l’entendement, faisons avec lui ce grand voyage de découverte. Il ne s’agit de rien moins que des plus hauts objets de la spéculation et de la pratique : la nature de notre moi, celle de notre premier principe, enfin l’essence idéale ou réelle de la matière. Ces problèmes ultimes loin de rouler sur des abstractions, selon le préjugé vulgaire, roulent sur les réalités mêmes — y compris notre propre réalité, — par conséquent sur le sens et la valeur de l’existence. De là, pour tout esprit non superficiel, leur intérêt plus dramatique que les drames mêmes de l’histoire.

I. — L’idéalisme moderne, bien différent de l’idéalisme dogmatique qui fut celui de l’antiquité, a pour origine la « critique de la connaissance », dont la conclusion est la suivante : — Le monde de réalités que nous croyons saisir directement en elles-mêmes n’est qu’un monde représenté dans notre esprit, un monde idéal. — Descartes est le premier qui ait fait systématiquement, avant Hume et Kant, la critique de nos moyens de connaître ; et ce n’est pas son moindre titre de gloire. Il déclare dans ses principes qu’il importe de savoir non seulement quelles choses on peut connaître, mais aussi quelles choses « nous ne pouvons connaître » ; par conséquent, la valeur