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communes avec tout le reste et se demander jusqu’à quel point elles nous font faire un pas hors de notre propre pensée pour atteindre des objets différents d’elle. Mais alors Descartes eût fait l’œuvre de Kant.

On voit donc qu’après la grande élimination ou purification intellectuelle, il nous reste en premier lieu des idées et représentations, c’est-à-dire des états de conscience ; en second lieu, certaines liaisons d’idées nécessaires, dont il aurait dû faire le dénombrement et la critique, mais qui ne nous apprennent rien, sur l’existence « hors de nous « d’objets différents de notre pensée. La plupart des interprètes oublient cette importante distinction entre les vérités communes, qui ne portent que sur l’existence, et les vérités particulières, qui nous font connaître des existences réelles. De là les cercles vicieux et pétitions de principes que nous verrons tout à l’heure attribuer à Descartes.

II. — Comment, du doute même, faire sortir quelque certitude qui nous mette en possession non seulement du « possible », ou même du « vrai », mais du « réel » ? C’est le grand problème de la philosophie moderne, que Descartes a résolu par le cogito. Il y a une chose, en effet, une seule, qui ne m’apparaît pas comme une possibilité en l’air, mais bien comme une réalité actuelle : c’est ma pensée. Ma pensée est inséparable de l’être : je ne suis pour moi-même qu’en tant que je pense, et je ne pense qu’en tant que je suis. « Par le mot de pensée, dit Descartes, j’entends toutes ces choses