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LA FLEUR-SERPENT

chose dont je m’emparai. C’était la pulpe complètement écrasée d’un fruit, ou d’une fleur, rose vermillonnée. Malgré cet aspect informe, je reconnus immédiatement ce que je redoutais à la senteur pénétrante.

Je ne pus retenir un cri.

— « La Fleur-Serpent ! c’est bien elle ! Hélas ! le pauvre ange, il est perdu ! »

Claudia poussa un hurlement qui me déchira l’âme, et j’eusse, certes, donné ma vie, à ce moment, pour rendre son enfant à cette mère : elle s’était jetée sur lui, le couvrant de caresses folles, l’appelait et lançait vers le ciel des prières ardentes, mêlées d’imprécations.

La servante s’était enfuie en pleurant, appelant à grands cris le maître de la maison : le père !

Il arriva bientôt, les yeux hagards, les lèvres tremblantes, livide.

— « Leone ! Leone ! lui cria Claudia à travers ses larmes, il va mourir ! »

J’étais là, stupide d’émotion, recevant en plein cœur le contre-coup de cet affreux désespoir, navré de mon impuissance. L’âme se révolte en face de ces catastrophes subites qui vous surprennent au