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TROP TARD

mère en souriant. Eh bien, nous irons au bal, il n’est pas besoin de me faire des yeux si terribles.

— Ah ! que tu es bonne ! m’écriai-je en l’embrassant. Viens, partons.

— Voyons, cher fou, me dit-elle, raisonnons un peu ; d’abord il est neuf heures du matin et ce n’est en aucun temps l’heure d’aller au bal ; ensuite nous sommes en plein été, et ce n’est guère, je crois, la saison où l’on danse. Paris est vide ou à peu près.

— Où est le monde alors ? m’écriai-je avec angoisse.

— Que sais-je ? aux bains de mer, aux eaux, en voyage.

— Que choisir ? où aller ? Le monde est grand, soupirai-je découragé.

— Commençons par les côtes de Normandie, puis nous irons en Italie, et l’hiver arrivera, un déplacement te fera du bien.

— Ah ! partons ! partons dès ce soir.

— Soit, dit ma mère, partons. »

La chère femme crut que j’étais amoureux de quelque inconnue aperçue un instant et que je voulais retrouver. Elle jugea qu’il n’y avait pas à me raisonner, et, heureuse d’ailleurs de cette diversion