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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE.

Tcheou, en offrant audacieusement à ses hôtes de l’eau dans laquelle on avait délayé un peu de farine. Puis voici, continua-t-il avec le même aplomb en désignant de mystérieuses fricassées, des pieds de cerf en purée, des estomacs de grues, des chenilles de la canne à sucre ; préférez-vous des nageoires de requin en boulettes, des têtes de grenouilles au gras-vert de tortue, des nids d’hirondelles au sucre candi, ou bien ces bécasses garnies de crêtes de paon, ou ces pattes d’oies, ou ce porc-épic ?

— Quel menu princier, mon oncle ! s’écria Cœur-de-Rubis ; vous faites vraiment à vos invités une réception digne d’eux. »

Les jeunes gens se mordaient les lèvres pour ne pas éclater de rire et évitaient de se regarder, de peur que l’un n’entraînât l’autre à une hilarité de mauvais goût. L’avare continuait son énumération, et dans sa prodigalité, donnait plusieurs désignations au même plat.

Pen-Kouen proposa une santé, afin de pouvoir quitter un instant son sérieux dans le brouhaha qu’elle occasionne.

On se leva, et, chacun tenant sa tasse à deux mains, quitta la table et s’avança au milieu du sa-