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ISOLINE

Gilbert, assis dans un coin, les regards rivés au parquet, n’entendait qu’un bourdonnement qui l’isolait ; il se plongeait dans son nouveau rêve, revoyait une seconde ces deux larges prunelles, d’un azur si clair, qui aussitôt s’éteignaient comme des étoiles sous le brouillard. Il pensait à la main nerveuse qui avait serré la sienne, et cette faveur, qu’il ne s’expliquait pas, lui donnait une sorte de confiance dans l’avenir du sentiment qui grandissait en lui.

Une pensée égoïste le fit s’arrachera sa méditation.

— « Toutes ces bavardes, se dit-il, peuvent, sans se douter de rien, parler d’elle et me renseigner sur son compte. »

Il prêta l’oreille pour voir où en était la conversation, et par quelle manœuvre il pourrait en saisir le gouvernail et l’amener dans ses eaux.

— « Certes, il a beaucoup d’onction, disait Mme Rochereuil ; mais il n’a pas la fougue du révérend père qui a prêché le dernier carême.

— Vous trouvez ? dit Sylvie, moi, il me plaît beaucoup, il a une voix touchante.

— Il pleure, il ne tonne pas.

— Il a de bien jolies mains blanches, dit Margue-