190 GAZETTE DES BEAUX-ARTS ravant d’un de ces tombeaux luxueux que le xne siècle élevait déjà. Existe-t-il des exemples de l'utilisation architecturale d’un décor de tombeau? c'est ce que, seul, un archéologue de profession, ayant fait sur ce point spécial une enquête minutieuse, pourrait nous dire; mais on peut affirmer, sans crainte de se tromper, que les Normands, les huguenots et les terroristes n'ont pas été seuls à porter la main sur les monuments funéraires. Or, de détruire un tombeau, devenu inutile ou d'en employer les éléments pour une autre destination, quelle est la solution la plus respectueuse pour le mort et pour l'œuvre des devanciers? En ce qui concerne les tombeaux des cathédrales antérieurs aux premières années du xme siècle, la question se complique du fait des terribles incendies qui, à ce moment, firent table rase de tant de monuments romans. Que se passa-t-il à Reims, en parti¬ culier, lors de l’incendie et de la reconstruction de 1211? Le cha¬ noine Cerf a constaté que des caveaux uniformes et régulièrement disposés furent creusés dans le chœur pour recevoir les corps in¬ humés dans l'ancienne cathédrale. N’est-il pas possible, même assez vraisemblable, que, ayant ainsi assuré aux morts un asile inviolable, on ait sursis quelque temps au soin de rééditier des monuments qui pouvaient ne plus cadrer avec le plan nouveau de l'église? C’est alors qu'intervient un fait historique fort notable et précis. On sait de quelles luttes acharnées et sanglantes l’établissement de la commune de Reims fut la cause pendant la seconde moitié du xjic siècle et tout le xme. Un des épisodes les plus caractéris¬ tiques, et qui nous ouvrent sur la vie d'alors le jour le plus saisis¬ sant, est certainement cette émeute de 1235 1 dans laquelle les bourgeois de Reims, irrités de ce que leur évêque faisait encore augmenter contre eux les défenses de son château fort de Porte- Mars, envahirent en foule les chantiers de l'église alors en voie de reconstruction, se saisirent des machines de guerre qu'on y conser¬ vait, enlevèrent, pour s'en servir comme de matériaux et de muni¬ tions, les pierres mêmes destinées à l’édifice et jusqu'aux tombes des cimetières et allèrent, ainsi armés, attaquer leur évêque dans sa forteresse. Une lettre du pape Grégoire IX aux habitants de Reims contient le récit de ces troubles, dont le bruit était parvenu jusqu'à 1.\tDom Marlot, Histoire de la ville de Reims, en latin, 1679; en français (texte original publié par l’Académie de Reims), 1843-46; — Anquetil, Histoire de la ville de Reims, 175G; — Augustin Thierry, Lettres sur l'histoire de France ; — Varin, Archives administratives de la ville de Reims.
