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232 GAZETTE DES BEAUX-ARTS anges, et sur un charmant paysage de montagnes lointaines, de villes ‘et de rochers. À droite, dans la campagne, un personnage placé dans une grotte est en prière; la robe brune et le capuchon noir dont il est vêtu feraient supposer qu’il appartient à quelque ordre religieux : c’est l’anonyme de la légende auquel est révélé le moyen de conjurer le fléau. Un peu plus loin, on voit le même personnage s’acheminant vers Rome; enfin il arrive, et le voici agenouillé sur les derniers degrés du grand escalier, faisant part à l’auguste assem¬ blée, qui siège sous le portique, de la surnaturelle révélation qu'il vient d’avoir, et recevant la bénédiction pontificale. La partie inférieure du tableau se divise en deux scènes : à droite, apparaissent le bon et le mauvais ange; l’un, la tête nimbée, les ailes déployées, bien qu’il semble marcher à terre, le corps enve¬ loppé d’une longue robe, indique du geste la porte d’une maison; l’autre, sorte de démon verdâtre, absolument nu, va obéir à l’ordre donné, et frapper, du dard qu’il tient à la main, la porte désignée. Ainsi se trouve représenté, un peu naïvement, il faut l’avouer, le fléau inconscient qui, par ordre supérieur, sévit sur la malheureuse cité. Le résultat ne se fait pas attendre, car le pavé de la rue est jonché de cadavres : vieillards, femmes, enfants, gisent là couchés dans la mort. A gauche, nous assistons à une autre scène, qui occupe l’autre moitié de la largeur du tableau : la grande pro¬ cession solennelle s’avance, et, selon les instructions données au pape, accompagne à travers les rues de la ville les reliques de saint Sébastien. Le pontife, vieillard à la longue barbe blanche, marche en tête, revêtu de ses ornements, et lit les prières dans un livre que tient un diacre agenouillé devant lui. Plusieurs cardinaux, de nombreux évêques et une grande quantité de prêtres, dont l’un porte la bannière de la Vierge, accompagnent le vénérable Agathon et joignent leurs tristes chants à ses prières. C’est ainsi que le peintre a marqué l’espoir de voir s’éloigner le fléau. L’image reproduite ici, faite spécialement à notre demande, est un peu confuse; il ne peut en être autrement, Ja fresque étant elle- même fatiguée et ayant été restaurée. Elle permet toutefois de se rendre compte de la composition générale et de la distribution du tableau, si conforme aux habitudes des peintres du xvc siècle. Mais ce qu’elle ne peut reproduire, c’est la clarté du coloris, l’intensité de la lumière répandue sur toutes les parties de cette fresque; à défaut de la pureté du dessin, ces qualités en font le principal mérite et lui donnent une réelle valeur.