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45 2 GAZETTE DES BEAUX-ARTS sienne et tend sa petite main vers une belle pomme rouge que lui ✓ offre la Vierge. Derrière chemine sainte Elisabeth avec son enfant sur le bras. Cette scène, si éloignée des vieilles traditions hiératiques, a une douceur humaine qui émeut. Une autre belle page illustre les Vigiles des Morts. Au pied de la croix d’un cimetière, un cadavre momifié, à moitié couvert de son linceul, brandit une faux. Il menace un pape qui baisse la tête et d’un geste plein de vérité essaie vainement de parer le coup. Cepen¬ dant une autre figure de la Mort tend l’arc et lance une flèche qui s’enfonce dans la gorge d’un empereur. Sans doute il ne faut pas demander à Bourdichon cette puissance d’horreur que d’autres ont s il mettre dans cette scène. Néanmoins il a fait là une belle œuvre et y a mis plus de force qu’on ne pouvait en attendre de lui.

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Nous connaissons donc maintenant six manuscrits enluminés par Jean Bourdichon : les Heures d’Anne de Bretagne, les Heures d’Aragon, le Missel de Tours, les Heures de Charles VIII, le livre d’Heures qui appartient à M. le baron Edmond de Rothschild, enfin le livre d’Heures de l’Arsenal1. Il est permis de se demander si le maître a travaillé seul à tous -ces livres et s’il n’a pas été obligé, pour mener à bien tant d’œuvres importantes, d'avoir recours à la collaboration de ses élèves. Assu¬ rément rien n'est plus vraisemblable, rien n’est plus conforme aux habitudes des artistes du moyen âge et de a Renaissance. Bourdi¬ chon avait autour de lui, nous allons le voir, quelques artistes d’une docilité exemplaire. Il est probable qu’il associa à sa tâche les plus habiles. J’ai trouvé, en effet, dans les bibliothèques de Paris plusieurs manuscrits enluminés par les élèves de Bourdichon. Ce sont des 1.\tUn manuscrit de la bibliothèque de l’Université d’Innsbruck (n° 281) a été tout récemment attribué à Jean Bourdichon par M. Hermann Julius Ilermann {Beitrdge zur Kimstgeschichte. FranzWickhoff geioidmet, Wien, 1903, p. 46 et suiv.), Te manuscrit est sorti de l’atelier de ourdichon, et, autant qu’on en peut juger par des reproductions, il me paraît probable que les meilleures miniatures sont de la main du maître. Je note un détail intéressant : derrière David agenouillé, on aperçoit la colonne Trajane : c’est une preuve ajoutée à beaucoup d’autres) que Bourdichon a vu l’Italie. Il y a également, dans ce manuscrit, un très beau Saint Jean VÉvangéliste, qui est ta figure la plus italienne que j’aie encore ren¬ contrée dans l’œuvre du maître.