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il faut en conclure que celui qui en a été l’auteur était plus puissant et plus fort que le Père. Ainsi, tout s’est fait de cette manière contre l’approbation du Père ; mais alors, ou il pouvait s’y opposer, ou bien il ne le pouvait pas. S’il ne le pouvait pas, c’est donc qu’il n’était pas tout-puissant et qu’il n’était pas Dieu ; ou bien il le pouvait, et il ne l’a pas fait, et alors il faut dire qu’il a agi en séducteur et en hypocrite, et comme un esclave de la nécessité ; car d’un côté il ne consent pas, et de l’autre il laisse faire comme s’il consentait réellement. Il laisse l’erreur croître, se développer, et ensuite quand elle est parvenue à toute sa force, lorsqu’elle a été déjà la cause de la perte d’une multitude d’êtres, il songe, mais trop tard, à l’extirper.

Il est tout à fait contradictoire de dire que Dieu, dont la puissance et la liberté sont l’essence, serait esclave de la nécessité ; de telle sorte que plusieurs choses se feraient contre son gré ; mais alors c’est faire la nécessité plus puissante que Dieu même, et la mettre au-dessus de lui et avant lui. Si la nécessité devait devenir si puissante, il fallait donc l’extirper dès le principe, pour ne pas être ensuite forcé de lui faire des concessions et de compromettre ainsi la dignité et la toute-puissance du Créateur souverain. Cette conduite aurait été plus sage, plus digne d’un Dieu, que d’attendre plus tard, comme s’il venait à résipiscence, en cherchant enfin à détruire tout ce qu’il a donné à cette nécessité le temps de produire. Et si le maître souverain de toutes choses est ainsi assujetti à la nécessité, il sera forcé de souffrir tout ce qui se fait malgré lui, et tout ce qu’il fera sera le produit de la nécessité ou du destin ; il sera comme le dieu d’Homère, à qui la nécessité fait dire : « Je t’ai fait ce don, comme si c’était de mon plein gré ; mais, au fond du cœur, je ne le voulais pas. » Il résulte de tout cela que leur dieu Bythus n’est qu’un esclave de la nécessité et du destin.