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XXXVI


À quoi vais-je penser ! Que vais-je mettre dans mes mains vides, où vais-je conduire mes pieds indifférents ? De quoi vais-je remplir mon cœur stérile, où vais-je mener mon âme lasse ?

Un jour je pleurerai. Peut-être cela soulage. Et puis, après ?


XXXVII


Je n’avais jamais regardé les tristesses du monde. J’en avais eu pitié sans les regarder, sans les connaître. Ô pauvres cœurs, pauvres yeux, pauvres âmes blessées, multiplicité de la douleur, que votre palette est grande, que ses couleurs sont variées et délicates, que de tons et d’ombres, quelle gamme d’angoisses et de misères… Et, mêlé, cela fait la grande couleur neutre, la douceur grise de la vie…


XXXVIII


J’ai dans le cœur comme un lent frissonnement, une attente, une longue et sourde fermentation. Je ne fais rien. Je ne pense pas. Je regarde les