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pitié du monde, ouvrez-la à l’infini. Faites ma douleur digne de notre amour !

XLI


Mon tuberculeux a vomi le sang encore cette nuit. Sa poitrine halète à craquer ; son gémissement sort d’une caverne ; il pleure. Sa femme ne veut plus essuyer sa sueur ; elle dort, tombée au pied du lit, en ronflant comme une bête terrassée de fatigue. Il n’y a que moi pour soutenir et recoucher le pauvre corps, la maigre carcasse toute rongée par le chancre. J’y suffirai. Je vous tiendrai, je vous caresserai, mon solitaire agonisant, dans la nuit qui retombe et que la mince bougie de guerre fait paraître plus lourde et plus noire. Je sourirai à vos yeux épouvantés et vos oreilles, tonnantes des clameurs de la mort, entendront la tendresse de ma voix. Courage, pauvre homme, le pont sera bientôt franchi… Je vous guiderai. Je connais de merveilleuses histoires, toutes bruissantes d’ailes d’anges, et des mots qui vous montreront Dieu dans sa gloire. Vous Le voyez ? Il vous touche ? Vous sentez Ses mains percées ? Vous êtes bien : appuyez-vous sur mon cœur. Je vous aime, pauvre homme, je vous aime !