Aller au contenu

Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute de verve et de premier jet. Ce sont là plus que des gammes et des exercices de style. À parcourir ces ouvrages de jeunesse nous avons conscience de pénétrer une des personnalités les plus originales du xixe siècle, et de peser au moins deux chefs-d’œuvre.

Et voilà l’admirable : Gobineau ne s’est pas cherché. Dès ses débuts, il se trouve et se réalise selon sa loi. Son mode d’expression seul se transforme avec l’âge ; car dans Ternove et dans l’Abbaye de Typhaine, par exemple, nous découvrons en substance les idées de l’Essai et tout le système ethnologique de notre sociologue. Le fond persiste si la forme change. Au plan littéraire se superpose le plan scientifique, et pour un temps, l’artiste cède la parole au savant. À partir de 1876, Gobineau revient à sa forme préférée, celle du conte et du roman. Dans les Nouvelles Asiatiques, les Souvenirs de voyage, les Pléïades, la Renaissance et Amadis il condense sa longue expérience d’observateur en perpétuel éveil et de psychologue désabusé.

Ainsi donc, à suivre de près notre auteur, à l’écouter vivre et à le comparer avec lui-même, on s’aperçoit que le savant a fait la plus grande place à la forme imaginative et a toujours préféré, pour se réaliser, la nouvelle et le roman à l’œuvre didactique. Ce très lucide orientaliste débute par un roman et finit par des nouvelles. L’art est sa religion première et dernière, et s’il consent à chercher son inspiration au bord des rivages d’Asie, auprès des vieilles civilisations, Gobineau n’a jamais pensé que la pédanterie pouvait tenir lieu de style, ni qu’il faille préférer, dans l’intérêt même de la science, une dissertation indigeste à un récit en action. Il y a souvent plus de philosophie dans un conte que dans un traité théorique.

C’est de quoi on commence à se convaincre, grâce à nos efforts persévérants. Beaucoup découvrent un écrivain délicat