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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/88

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— “Oh ! non !” dit Emmelina, en cachant son front dans les bras de sa fidèle servante.

— “S’il ne te faisait pas peur, reprit cette dernière, pourquoi t’es-tu détournée ? Tu voudrais peut-être que je le rappelasse ?”

Emmelina attacha ses beaux yeux sur la vieille femme et lui dit d’une voix profonde et tremblante d’émotion : — “Oui, rappelle-le !”

Jeanne ne comprit pas, à coup sûr, le sentiment qui faisait parler la jeune malade.

Elle courut vers l’escalier et appela l’artisan. Celui-ci s’empressa de remonter.

— “Mademoiselle veut vous voir, lui dit la vieille femme. Tiens, mon Emmelina, le voilà revenu ce petit jeune homme. Veux-tu lui parler ? Qu’est-ce que tu as à lui dire ? Veux-tu que je lui parle pour toi ?”

— “Oui”, dit Emmelina.

— “Que faut-il lui dire ?”

C’était une scène enfantine. Dans l’esprit de la vieille domestique et dans celui du tourneur, il ne s’agissait que de distraire puérilement un enfant malade, mais que ces apparences étaient vaines et insolemment fausses !

Tandis que Jeanne s’épuisait en propositions et en observations niaises, Emmelina se livrait tout entière à la contemplation passionnée de ce qu’elle aimait. Son âme était absorbée par le bonheur étrange de l’amour qui vit pour lui-même. Combien cet amour-là peut-il durer chez les êtres ordinaires ? Peu de temps sans doute, si même il existe jamais ; mais ce n’est pas d’une telle question qu’il