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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/97

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— “Ils ne sont pas aimables, hein ?” dit le maître de la maison en riant.

— “Comme vous le dites mon cher, reprit Cabarot ; je viens d’y faire une séance de deux heures, et j’ai failli me jurer à moi-même que la première de mes actions en sortant de l’église serait de me brouiller avec mon beau-père.”

— “Et la seconde ?” demanda quelqu’un.

— “D’en faire autant avec ma belle-mère.”

— “La troisième probablement de leur renvoyer votre femme”, s’écria un autre interlocuteur.

— “Ne devançons pas l’avenir ! poursuivit Cabarot ; l’impatience m’emportait ; mais me voyez-vous pendant deux heures, assis dans un fauteuil à peu près comme je suis là, ayant devant moi la fille qui pleure ; à ma droite, deux tantes qui gémissent ; à ma gauche la mère qui fond en larmes ; derrière mon dos le père qui se promène en maugréant ? Et pendant deux heures je suis là, le sourire sur les lèvres, blâmant doucement cette sensibilité exagérée, faisant des mamours de tous les côtés, et feignant de pleurer de compagnie quand je n’ai pas sur les lèvres un sourire de bénignité.”

— “Je m’étonne de votre mansuétude, dit le baron R…, car puisque vous épousez décidément, vous n’avez pas besoin de vous torturer à plaisir en voyant ces gens-là tous les jours.”

— “Eh ! dit Cabarot, ma mansuétude m’a déjà servi à quelque chose.”

— “À quoi, bon Dieu !”