Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/205

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potiers, des fondeurs, des ciseleurs, des doreurs, toute une invasion d’industriels à tête rasée, d’artistes aux yeux baissés, d’ouvriers en frocs et en chasubles.

Ces gens étaient porteurs d’une double révélation ; ils dévoilaient une foi nouvelle et pour la rendre saisissable, ils enseignaient l’art sous ses manifestations les plus multiples ; les procédés industriels venaient concourir à l’expression de la pensée religieuse cachée sous la forme artistique.

Et tous les êtres immatériels prenaient un corps ; les âmes insaisissables descendaient du ciel sur des nuages d’or ; les niouraï resplendissants souriaient sur l’autel avec des gestes de paix ; dans les angles sombres du sanctuaire, les bousats aux auréoles lumineuses se dressaient sur d’immenses fleurs de lotus ; le long des murs, les dix-huit ratons, les propagateurs de la religion en Chine, étaient représentés, artisans divins, confectionnant de leurs mains sacrées les objets du sacerdoce ; dans les frises sculptées et fouillées, des anges aux ailes d’azur s’élançaient comme des hirondelles, tenant entre leurs mains les instruments harmonieux qu’on n’entend que dans le ciel des bouddhas bienheureux.

À part les tembous terribles, chargés d’effrayer les méchants par leurs gestes multiples et leurs grimaces féroces, les représentations bouddhiques ont ce sentiment indo-européen des peintures primitives du moyen âge.

Les plis des vêtements sont doux et harmonieux, on dirait que le Pérugin a passé par là et qu’un reflet de l’art grec illumine ces œuvres.

Voilà donc l’artiste japonais en présence d’un ordre d’idée tout nouveau ; il en profitera même pour donner une forme à ses légendes vagues, il osera représenter les dieux du shintoïsme, il les abaissera jusqu’à leur donner une figure d’être humain, mais son art en sera élevé.