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promenades japonaises.

Yémitsou s’arrêta net et rebroussa chemin du côté d’Yeddo. L’heure était avancée et l’obscurité envahissait le chemin bordé de sombres matsous. Les conjurés en profitèrent pour couper au plus court à travers champs et aller s’embusquer à la sortie de la ville derrière des groupes de bosquets de bambous.

Le cortège shiogounal rebroussait chemin en silence. La solitude était complète, comme il convient, lorsque voyage un grand seigneur. Au loin les cloches des temples appelaient les bonzes à la prière du soir.

Tout d’un coup un homme apparut sur la route et tua un des soldats du cortège. Aussitôt, de tous côtés, les conjurés se précipitèrent le sabre nu. La mêlée fut terrible comme toute mêlée japonaise. Yémitsou lui-même défendit sa vie avec fureur ; mais il n’obtint la victoire que grâce au concours énergique d’un certain Ishikava, qui est resté célèbre par sa force herculéenne, et qui fit des conjurés un carnage épouvantable.

Pendant ce temps, la belle Ossono s’était fait détacher par ses servantes, elle avait à son tour rendu la liberté à son amant, afin qu’il puisse au plus tôt faire fonctionner le plafond homicide.

Tchionémon qui avait averti le Shiogoun sans dire que son futur gendre était compromis dans l’affaire, fut au désespoir quand il apprit que sa malheureuse fille avait tout compromis.

Il comprit qu’il se trouvait dans une de ces situations délicates et embarrassantes où un homme n’a plus qu’à s’ouvrir le ventre.

Il écrivit une belle lettre aux officiers du Shiogoun pour leur expliquer que l’amour avait égaré le jeune charpentier et les prier d’épargner son gendre en considération du suicide qu’il allait accomplir.

Il écrivit aussi à sa fille pour l’engager à ne pas trop s’affliger. Puis il se rendit à l’hôtel des officiers, juste au moment où Rokou-Sabouro