Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/70

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Le couple maudit vint se réfugier au bord de l’étang sacré et se mit sous la protection bienveillante de Benten. Le mari savait faire les sempés, petits gâteaux fort délicats, et il s’improvisa pâtissier pour gagner sa vie.

Mais l’affreux kandoo pesait toujours sur les malheureux époux dont l’union restait stérile. Et pourtant, tous les jours, ils allaient au petit temple du lac déposer une offrande de sempés et faire leurs prières.

Enfin, à force de supplications, la déesse se laissa toucher, et la jeune femme devint mère d’une charmante petite fille.

L’enfant grandit peu à peu et atteignit une beauté surhumaine.

C’était plus que la grâce, c’était un charme indéfinissable, étrange, un de ces types nobles et séduisants, qui effraient et attirent, qui dominent et passionnent, créatures fatales qu’on adore à genoux et dont l’amour fait mourir.

À ces attraits du corps, la jeune fille joignait un caractère parfait et une intelligence des plus vives.

Inutile de dire que, sous prétexte d’acheter des gâteaux, tous les jeunes gens d’Yeddo encombraient la modeste boutique de la belle pâtissière. Les rues de la ville retentissaient d’une chanson qu’on avait faite pour elle.


Assise, c’est la pivoine herbacée ;
Debout, c’est la pivoine en arbre ;
Quand elle marche, c’est le lotus.


La vertu de la jeune fille paraissait beaucoup souffrir de tous ces empressements : aussi demandait-elle souvent à ses parents de la dispenser de figurer au magasin.

Jamais on ne mangea tant de sempés dans la capitale des Shiogouns.

Sous toutes sortes de prétextes, les jeunes amoureux accouraient