Aller au contenu

Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’Empire après lui agonisa dans un festin de cinq siècles.

Auguste l’imite dans ses crimes et dans sa clémence, et il demandait tout fier en mourant : « Ai-je bien joué mon rôle ? » En effet, il n’y a plus de foi, les augures ne peuvent se regarder sans rire ; l’empereur se fait appeler Dieu par ses poètes, qui n’ont, eux, pour toute religion que l’intime conviction de Leur talent et du néant de la vie. Nous n’en sommes qu’au sentiment de Virgile et à la grâce ciselée d’Horace, ils sentent bien que la volupté ne va pas plus loin, et ils s’arrêtent à un point difficile à préciser, qui n’est ni le spiritualisme ni le matérialisme, ni le dogme ni la dialectique, mais qui est le point artistique humain par excellence ; ils s’arrêtent aux pensées morales, au sentiment de l’homme, à la satisfaction des sens, aux douces choses, au simple courant de la vie qui coule entre le rire et les pleurs pour arriver à la tombe, un soir d’été, après que la treille n’a plus de fruits, le cœur plus d’amour. Bientôt va venir le sensualisme excité‚ la débauche savante de Pétrone, l’inspiration fiévreuse d’Apulée, les soupirs amoureux de Tibulle, tandis que, de l’autre côté, Tacite écrit avec un style de bronze et que Juvénal fait retentir son hexamètre ronflant de colère. Attendez.

L’Orient et l’Occident ont lutté ensemble avec Auguste et Antoine, et l’Orient a été vaincu, Antoine s’est enfui sur sa galère pour rejoindre Cléopâtre, le vent a soufflé dans ses voiles de pourpre, les rames d’argent ont battu l’onde, la reine d’Égypte est tournée dans son palais ; une dernière fois elle veut essayer sur Octave les charmes de sa beauté orientale et la coquetterie de son désespoir, mais c’est en vain ; un matin on la trouve morte dans ses vêtements royaux, car elle avait craint d’être l’esclave d’Octave et de servir à son triomphe. Son empire est mort avec elle, Octave n’a que le cadavre de l’un et de l’autre.