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Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/57

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rait à leurs pieds, et ses plus petites vagues surpassèrent leur sommet ; elle gagna les montagnes, et elle s’élevait toujours comme un voyageur qui monte, elle entraînait avec elle les villes et les tours, et les hommes pleurant. Alors on entendit des bruits étranges et des cris à bouleverser des mondes. Tu les eusses vus se cramponner à l’existence qui leur échappait ; ils gravissaient les montagnes, mais la mer montait derrière eux, les entraînait et les roulait avec la poussière des choses éteintes. Alors quand les pyramides, les forêts, les montagnes furent arrachées comme l’herbe, et qu’une grande plaine verte, avec des débris de tombeaux et de trônes, s’étendit de tous côtés, les vagues vinrent à battre, la tempête se fit, et l’immense joie de la mort s’étendit sur cette solitude.

smarh.

Et cela, hélas ! ne dura pas toujours ; la création n’est donc faite que pour renaître de sa propre mort et souffrir de sa propre vie. Horreur que ce déluge ! pourquoi tant de malheurs ?

satan.

Mais le déluge dure encore.

smarh.

Comment cela ?

satan.

L’océan des iniquités a baigné tous les cœurs, et l’immensité du mal ne s’étendit-elle pas sur la terre ? D’abord il emporta quelques hommes, puis il vint dans les villes, il monta sur les trônes, il emporta les palais, à lui les cités ! Il gagna les campagnes, les forêts, et chaque jour il s’étend comme un nouveau déluge, comme une mer qui monte.