Page:Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v9.djvu/274

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ne ſoit point un devoir, peuvent dans des bienfaiteurs ſupporter des tyrans. Pour eux, il eſt beau, il eſt magnanime ſans doute de conſentir à être malheureux pour n’être point ingrats. Mais la morale des nations eſt différente. Le bonheur public eſt la première loi, comme le premier devoir. La première obligation de ces grands corps eſt avec eux-mêmes. Ils doivent avant tout liberté & juſtice aux individus qui les compoſent. Chaque enfant qui naît dans l’état, chaque nouveau citoyen qui vient reſpirer l’air de la patrie qu’il s’eſt faite, ou que lui a donnée la nature, a droit au plus grand bonheur dont il puiſſe jouir. Toute obligation qui ne peut ſe concilier avec celle-là eſt rompue. Toute réclamation contraire eſt un attentat à ſes droits. Et que lui importe qu’on ait obligé ſes ancêtres, s’il eſt deſtiné lui-même à être victime ? De quel droit peut-on exiger qu’il paie cette dette uſuraire de bienfaits qu’il n’a pas même éprouvés ? Non, non. Vouloir s’armer d’un pareil titre contre une nation entière & ſa poſtérité, c’eſt renverſer toutes les idées d’ordre & de politique ; c’eſt trahir toutes les loix de la morale, en invoquant