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XXI
INTRODUCTION.

croyants, puritains de l’islamisme, se tinrent à l’écart en déclarant que le droit de choisir le chef d’état et de la religion appartenait au corps entier des fidèles. Ils prirent bientôt les armes pour faire valoir ce principe ; puis, à la suite de plusieurs défaites, ils eurent recours à d’autres moyens pour combattre leurs adversaires. Ces dissidents ou kharedjites, comme on les nomma, enseignaient que tout musulman, hormis ceux de leur secte, était infidèle et méritait la mort ; que ses femmes et ses enfants pourraient être légalement réduits en servitude. Ils dénoncèrent aussi la peine de mort contre les croyants qui ne répondraient pas à l’appel pour la guerre sainte, c’est-à-dire, contre les individus de leur propre parti auxquels il manquait, soit le courage, soit le fanatisme. Vaincue en Syrie, en Arabie et en Irac, cette faction se brisa, mais les débris se répandirent jusque dans les provinces les plus éloignées du siége de l’empire. Quelques-uns de ces fuyards passèrent en Afrique où ils trouvèrent les Berbères bien disposés à embrasser leurs doctrines. Ce peuple ne cherchait que des prétextes pour résister à la domination arabe ; et si, dans les premiers temps, il ne savait entreprendre une révolte sans se jeter dans l’apostasie, il apprit alors à s’insurger sans cesser d’être musulman. Profitant enfin des guerres qui embrasèrent toutes les provinces de l’islamisme lors de la lutte des Oméïades et des Abbacides, ils parvinrent encore à vaincre les Arabes et à devenir maîtres chez eux.

Pendant quatorze mois les Kharedjites sofrites dominèrent dans Cairouan ; les Eibadites, qui formaient une autre nuance de la même secte, y régnèrent ensuite pendant deux ans, et, pour que l’autorité du khalifat fût rétablie en Afrique, il fallut que les cadavres de quarante mille de ces hérétiques restassent sur un seul champ de bataille.

Comme la famille d’El-Abbas avait maintenant arraché l’empire aux descendants d’Oméïa qui, eux-mêmes l’avaient enlevé à la postérité de Mahomet, et que ces changements de dynasties eurent pour résultat le démembrement et la ruine de l’autorité arabe, il sera nécessaire d’indiquer ici la filiation de ces trois branches de la tribu de Coreich :