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HISTOIRE DES BERBÈRES

ropéenne, et qui, ayant été convertie à l’islamisme (moula) par les Arabes kharedijites[1], professait la doctrine sofrite. Meicera se rendit ensuite dans le Sous et fit mourir Ismaîl-Ibn-Obeid-Allah, émir de cette province. Le feu de la révolte se propagea aussitôt dans tout le Maghreb et à un tel point que les khalifes de l’Orient ne purent plus y faire respecter leur autorité. Ibn-el-Habhâb sortit de Cairouan pour livrer bataille au rebelle, mais son avant-garde, commandée par Khaled-Ibn-Habib-el-Fibri, fut mise en déroute et ce général perdit la vie. À la nouvelle de cette victoire, les Berbères qui se trouvaient en Espagne déposèrent leur gouverneur, Ocba-Ibn-el-Haddjadj-es-Selouli, et se donnèrent pour chef Abd-el-Mélek-Ibn-Caten-el-Fihri, [arabe coreichide]. Ce bouleversement décida le khalife Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek à envoyer en Afrique douze mille soldats de la milice syrienne[2] et remplacer Ibn-el-Habhab par Kolthoum-Ibn- Eiad-el-Cocheiri auquel il confia aussi le commandement de cette expédition. En l’an 123 (744), Kolthoum marcha contre les insurgés, et parvenu au Sebou, rivière de la province de Tanger, il vit approcher les Berbères sous la conduite de Meicera. Ils avaient tous le sommet de la tête rasé et ils avançaient en poussant le cri de guerre dont se servaient les Kharedjites. Son avant-garde plia devant l’impétuosité de leur attaque, et dans cette journée malheureuse, il perdit la bataille et la vie. Les Berbères remportèrent la victoire par une ruse de guerre : ayant attaché des outres renfermant des cailloux aux queues de plusieurs chevaux, ils lancèrent ces animaux sur l’armée arabe. Effrayés par le bruit des outres, les chevaux se précipitèrent à travers les rangs des Arabes, les chevaux de ceux-ci s’emportèrent et abandonnèrent les rangs, de sorte que la déroute devint générale.

  1. Le mot moula signifie également patron et client. Un esclave devient client (moula) de son maître par l’affranchissement, et un infidèle a contracté clientèle avec celui qui l’a converti a l’islamisme.
    Les droits de clientèle sont avantageux pour les deux parties ; elles doivent se soutenir mutuellement, et en certains cas, prévus par la loi, elles héritent l'une de l’autre.
  2. Voyez ci-devant, note 1, page 221.