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APPENDICE.

fourré et impénétrable[1]. « Voici, dit-il, notre affaire. » — « Comment ! lui répondirent ses compagnons, tu nous ordonnes de bâtir dans un marécage boisé où personne ne saurait passer, et où nous aurons à craindre les animaux féroces, les serpents et les autres reptiles de la terre ! » Ocba, dont les vœux furent toujours exaucés, invoqua le Dieu tout-puissant, et ses compagnons se joignirent à la prière en disant Amen. Rassemblant alors autour de lui les dix-huit compagnons du Prophète qui se trouvaient dans l’armée, il cria à haute voix : « Serpents et bêtes féroces ! nous sommes les compagnons du Prophète béni ; ainsi, retirez-vous, car nous allons nous établir ici, et nous tuerons quiconque de vous s’y trouvera après cet avertissement. » Alors on vit les animaux féroces et les serpents emporter leurs petits, et à ce spectacle, beaucoup de Berbères se convertirent à l’islamisme[2]. Ocba ordonna par proclamation, de les laisser passer sans leur faire du mal, et quand ils furent partis, il marcha, accompagné de ses principaux officiers, autour du lieu qu’il avait choisi, en adressant cette prière à Dieu : « O mon Dieu ! remplis cette ville de science et de la connaissance de ta loi. Fais qu’elle soit habitée par des hommes pieux et dévoués à ton service, et protège-nous contre les puissants de la terre. » Il descendit alors, en suivant le cours du ruisseau, et ordonna à ses hommes de tracer les fondations de la ville et d’arracher les broussailles. Notre historien ajout que pendant quarante ans, à partir de cette époque, on ne vit ni serpent ni scorpion en Ifrîkïa.

L’historien dit plus loin : Il traça les fondations de l’hôtel du

  1. D’après le conseil des musulmans, Ocba choisit pour l’emplacement de sa ville une localité éloignée de la mer et voisine d’une sibkha ou marais salé. « De cette manière, lui dirent-ils, nous n’aurons pas à craindre une descente de la part des Grecs et nos chameaux auront un lieu de pâturage où les Berbères et les chrétiens n’oseront pas venir les enlever ». La construction de Cairouan fut commencée en l’an 50 (670). (Baïan).
  2. Les miracles opérés par Ocba ont encore du retentissement en Afrique. Pour cette raison, nous nous sommes décidé à conserver cette légende. On peut voir à la page 311 les traditions à ce sujet recueillies par Ibn-Abd-el-Hakem.