Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
EN-NOWEIRI.

notre peuple dans des demeures fixes ; et tu viens d’y envoyer un esclave des Ansars[1] qui m’a déposé en m’insultant ! » Moaouïa lui fit des excuses et promit de le rétablir dans son gouvernement, mais l’affaire traîna en longueur jusqu’à la mort de ce khalife. Yezîd, fils de Moaouïa, étant monté sur le trône, apprit avec indignation le traitement qu’Ocba avait éprouvé, et le nomma gouverneur de l’Ifrîkïa. Il lui donna en même temps l’ordre de partir pour Cairouan sur le champ, afin d’empêcher la destruction totale de cette ville.

§ VI. — OCBA GOUVERNEUR POUR LE SECONDE FOIS.

L’histoire dit : Ocba ayant été nommé gouverneur en l’an 62 (681-682 de J.-C.), quitta la Syrie, et en passant par le Vieux-Caire il rencontra Masléma-Ibn-Mokhalled, qui était monté à cheval pour aller le recevoir. Masléma lui offrit ses salutations et tâcha de se disculper de toute participation aux actes d’Abou-’l-Mohadjer : « Je déclare devant Dieu, s’écria-t-il, que cet homme a enfreint mes ordres ! » Ocba accueillit ses excuses, et partit en toute hâte pour l’Ifrîkïa. A son arrivée, il fit jeter Abou-’l-Mohadjer dans les fers, ordonna la destruction de la ville que celui-ci avait fondée, et en ramena les habitants à Cairouan. S’étant alors décidé à faire une expédition militaire, il laissa dans la ville une partie des milices sous les ordres de Zoheir-Ibn-Caïs, et ayant appelé ses fils, il leur dit : « J’ai vendu mon âme à Dieu et j’ai fait un excellent marché : je dois combattre les infidèles jusqu’à ce que je comparaisse devant lui. Je ne sais si je vous reverrai jamais, car mon souhait est de mourir dans la voie de Dieu. Tenez donc ferme à l’islamisme. O mon Dieu ! accueille mon âme avec bonté ! » Il partit alors à la tête d’une armée nombreuse, et arriva sur le haut de la colline qui domine la ville de Baghaïa. Dans un combat opiniâtre qu’il livra aux habitants, il leur enleva une quantité de cheveux les plus forts que les musulmans eussent jamais vus dans leurs expéditions. Comme les Roum s’étaient re-

  1. Masléma, le patron d’Abou-’l-Mohadjer, était un de ces Médinois qui avaient aidé Mahomet et qui reçurent pour cette raison le titre d’Ansars (aides).