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Page:Jolimont - Les mausolées français.djvu/246

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François Hüe naquit à Fontainebleau, en 1757, d’une famille depuis longtemps distinguée dans la magistrature. Nommé en 1787 huissier de la chambre du roi, et, en 1791, premier valet de chambre du dauphin, les malheurs de la cour et les dangers qui environnaient les princes redoublèrent son zèle, sans lui faire considérer ce qu’il pouvait avoir à craindre pour lui-même. Et dès lors sa vie ne fut qu’une suite de chagrins, de tourments et de positions périlleuses, dont les détails présentent des singularités pleines d’intérêt. Dans la funeste journée du 20 juin, sa présence d’esprit venait de sauver la personne de la reine et celle du jeune prince, lorsque lui-même, le 10 août suivant, resté seul au château, il n’échappa à la mort qu’en se précipitant d’une fenêtre dans le jardin ; d’où ayant gagné, au milieu d’un feu de mousqueterie, les bords de la rivière, il se sauva à la nage. Il fut le seul qui resta d’abord attaché au service du roi dans la tour du temple : mais, quoiqu’il partageât la prison de l’auguste captif, il ne fut pas plus tranquille ; et bientôt transporté dans les cachots de l’hôtel de ville, il n’y vécut qu’en recevant par une trappe un peu de pain de la femme du concierge. Rendu quelque temps à la liberté, son premier soin est de redemander avec instance à reprendre son service et ses chaînes auprès du roi. N’ayant pu l’obtenir, son zèle ne se ralentit point, et il sut encore se rendre utile au prince, en lui procurant du dehors des renseignements précieux sur divers objets de sa sollicitude. Après la mort du roi, il continua de correspondre avec la famille captive : mais arrêté de nouveau et détenu successivement à la Force, à l’abbaye de Port Royal avec Malesherbes, enfin à la maison d’arrêt du Luxembourg, il ne dut son salut qu’à la chute de Robespierre ; sorti de prison encore une fois, il se hâta de fuir une terre si cruellement ensanglantée, et suivit Madame Royale à la cour de Vienne.

Dans l’exil, toujours attaché au service des princes, chargé de missions importantes, exposé par son zèle à des dangers multipliés, M. Hüe doit être regardé comme le modèle des amis, des serviteurs, et des sujets fidèles.

Le directoire avait décrété que M. Hüe ne serait point réputé émigré, mais, par des raisons secrètes, le gouvernement de Napoléon le comprit toujours au nombre de ceux qui furent maintenus sur cette liste de proscription.

Cependant quelques jours de consolation étaient encore réservés à M. Hüe : le peuple français, sage cette fois dans son étonnante versatilité, restitue le trône à ses anciens rois, et le vertueux serviteur revient dans sa patrie avec les objets de ses plus chères affections ; dans son allégresse il s’écrie : Tous mes vœux sont donc exaucés, j’ai vu le roi rétabli sur le trône de ses pères, et ma cendre ne reposera point en terre étrangère. Mais il devait jouir peu de temps de son bonheur, et, par un rapprochement singulier, il descendit dans la tombe le 21 janvier 1819.

Il est auteur d’un ouvrage intitulé : Dernières années du règne et de la vie de Louis XVI, publié à Londres et réimprimé en France en 1814 et en 1816, et qui a eu le plus grand succès.

M. Hüe a laissé un fils unique, militaire distingué, digne héritier de ses vertus et de sa fidélité, et qui le remplace aujourd’hui auprès du Roi.