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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dirait qu’il avait été l’homme de l’État-Major[1] ». « Sachant la terreur que Cavaignac inspirait dans les bureaux de la Guerre » et « pensant qu’on lui cacherait beaucoup de choses »[2], il avait déjà demandé audience au ministre. Mais Cavaignac ne lui avait même pas répondu. Il demandait maintenant à voir Boisdeffre.

Pellieux s’acquitta de la commission. Boisdeffre, à l’en croire, aurait vivement relevé l’insolence d’Esterhazy ; en tout cas, il prescrivit à Pellieux de rendre compte à Cavaignac de l’incident[3], ce qui était le moyen à la fois de se couvrir lui-même et d’inquiéter le ministre. Cavaignac consentit seulement à recevoir Tézenas[4].

Boisdeffre chercha à circonscrire le mal. Ce grand homme élégant, à l’air indifférent et triste, montra, plus d’une fois, de rares qualités de diplomate. Il était au

  1. Cass., I, 559 ; Rennes, I, 529, Boisdeffre. — Boisdeffre place l’incident après le discours de Cavaignac, Esterhazy au 3 juillet, quatre jours avant le discours, ce qui est confirmé par Pellieux (Cass., II, 173). Le colonel de Kerdrain, dans son rapport sur Esterhazy au conseil d’enquête, donne la date du 5 (Cass., II, 173). Il ajoute qu’Esterhazy écrivit le 8 juillet une lettre « où il exprima le regret des propos qu’il avait tenus et jura de ne pas se servir des papiers compromettants qu’il avait entre les mains ». La date de cette lettre suffit à démontrer l’erreur volontaire de Boisdeffre, feignant de croire qu’Esterhazy n’a connu les intentions de Cavaignac que par le discours du 7 juillet. Il en résulte aussi que Boisdeffre n’a pas dit ; Pellieux, comme il le raconta à Rennes, que « pour ce motif seul (la tentative de chantage), il demanderait la comparution d’Esterhazy devant un conseil d’enquête ». — Selon Pellieux (Cass., II, 176), Esterhazy était « abattu physiquement, très surexcité ; je ne crois pas à l’intention d’Esterhazy de faire chanter l’État-Major ». Au contraire, Roget : « Je sais pertinemment qu’il a fait une tentative de chantage. » (Cass., I, 107.)
  2. Cass, I, 590, Esterhazy.
  3. Ibid., I, 559 ; Rennes, I, 529, Boisdeffre.
  4. Cass., I, 590, Esterhazy. — Tézenas vit aussi Roget (I, 628, Roget).