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LA MORT D’HENRY


n’ayant pas conscience de sa situation, il monologuait : « C’est inconcevable. Que veut-on ? C’est à devenir fou. Ce que j’ai fait, je suis prêt à le faire encore ; c’était pour le bien du pays et de l’armée. Je n’ai jamais fait de mal à personne ; j’ai toujours fait mon devoir. Quel malheur d’avoir rencontré sur mon chemin de pareils misérables ! Ils sont cause de mon malheur ! Ma pauvre femme, mon pauvre petit garçon ! Tout s’écroule en une seconde. Je ne ferai pas l’ouverture de la chasse. Tout le monde nous attend là-bas. Que va-t-on penser ? »

Il répétait plusieurs fois les mêmes phrases, mécaniquement.

À quels « misérables » s’en prenait-il[1] ? Un seul homme l’avait perdu : Esterhazy.

Féry le remit au commandant d’armes de la forteresse[2] ; Walter le conduisit au pavillon des officiers, dans la même chambre que Picquart avait occupée l’hiver passé et que Cuignet, plus tard, occupera à son tour.

X

À l’heure même où Henry était emmené au Mont-Valérien, Cavaignac allait chez Brisson[3]. Il lui rendit compte des événements. Brisson fut atterré.

  1. Cass., I, 46, Zurlinden : « je pense qu’il voulait parler de Picquart et peut-être de Leblois. » 123, Roget : « J’imagine qu’il parlait de Picquart et de Du Paty. » II, 37, Du Paty : « J’imagine qu’il s’agissait du général Mercier. » — La plupart des écrivains revisionnistes ont supposé qu’il l’entendait de Gonse et de Boisdeffre.
  2. À 6 heures et demie, (Rapport du colonel Féry).
  3. « Le mardi 30 août, vers 5 heures du soir. » (Souvenirs de Brisson, dans le Siècle du 10 avril 1903.)