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LA MORT D’HENRY


d’autant plus après le suicide. Brisson n’en dit pas un mot.

Une aussi étrange discrétion, un tel manque de résolution et d’énergie, quand Brisson aurait eu tant de comptes sévères à demander, la douleur et l’effroi de tant d’événements inattendus et tragiques peints sur son visage, rassurèrent fort Cavaignac. Alors même qu’il aurait eu la conscience de ses fautes, il n’eût pas consenti à paraître jamais devant Brisson en posture d’accusé. Le voyant ainsi accablé, frappé de la foudre, il n’eût pas été lui-même, l’un des hommes les moins humains qui fût jamais, s’il n’en avait profité pour reprendre aussitôt, comme s’il n’avait été pour rien dans ces catastrophes et dans ces hontes, toute son arrogance.

Il revint donc à l’objet de sa visite, qui était la publication de la lettre de démission de Boisdeffre et de sa propre réponse où, le couvrant, affirmant qu’il le tenait pour loyal, il l’avait chargé d’enquêter lui-même sur Henry[1]. Brisson et Delcassé, qui était survenu, lui objectèrent en vain que la mort d’Henry rendait l’invitation dérisoire. Cavaignac n’en voulut pas démordre. Enfin, après une heure de cette chicane, alors qu’il y avait des décisions bien autrement graves et urgentes à prendre, c’est-à-dire à agir, on convint d’une note qui reproduirait les deux lettres et se terminerait par l’annonce que le général Renouard serait appelé à la direction de l’État-Major général[2].

Brisson, la veille, avait commencé par réclamer non seulement le départ de Boisdeffre, mais la mise en dis-

  1. Note de Brisson.
  2. Delcassé s’est chargé de faire parvenir cette rédaction à l’Agence Havas. » (Même note.) — Le général Renouard était alors commandant de l’École supérieure de guerre et membre du comité technique de l’État-Major.