Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Ils comprirent à mi-mot, l’encouragèrent[1] à prendre la place, où ils avaient redouté de voir Brisson, et à le trahir.

IX

Les revisionnistes triomphèrent de ce premier progrès vers la justice ; les nationalistes de ce quatrième ministre de la Guerre qui affirmait la culpabilité de Dreyfus ; le monde des affaires, nombre de braves gens qui ne savaient plus que penser, respirèrent mieux, dans l’espoir que la lourde crise touchait à sa fin.

Le temps donne des raisons aux hommes de bonne foi et des prétextes aux autres. En déroute il y a vingt jours, les ennemis de Dreyfus s’étaient partout reformés et, profitant de tant de fautes et de lenteurs, avaient gagné, une fois de plus, le gros de la bourgeoisie et des paysans, qui ne demandaient encore qu’à être trompés. Cependant, ce pays n’était plus le même, comme une terre inondée par une crue subite qui garde, quand l’eau se retire, de riches alluvions.

Infime faction hier, le parti revisionniste apparaissait maintenant comme une imposante minorité, avec presque tous les socialistes, très ardents, la clientèle radicale accoutumée à suivre Brisson et Bourgeois, le Convent et le monde maçonniques, l’élite des républicains libéraux, un appoint d’anciens royalistes et de catholiques éveillés à la vérité et qui auraient eu honte de se rendormir. Quelques prêtres osèrent élever

  1. Chambre des députés, séance du 25 octobre 1898, discours de Chanoine : « Lorsque j’ai accepté le portefeuille de la Guerre, j’y ai été encouragé par mes camarades, par les chefs de l’armée. » De même Cass., I, 49.