Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
26
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rait trouvé plus pâle qu’à l’habitude ; il avait, lui, reconnu la pièce, celle dont l’ambassadeur d’Italie avait déclaré, sur l’honneur, qu’elle était fausse. Mais il se tut.

Et quand Cavaignac, poursuivant sa leçon, « comme un professeur au tableau noir[1] », attesta que Lebrun-Renaud avait reçu les aveux de Dreyfus, Dupuy se tut, lui aussi, comme il s’était tu, déjà, en janvier[2].

D’un mot, il eût pu faire crouler l’imposture ; il garda le silence[3]. Et Barthou, Poincaré qui savaient, eux aussi, la vérité, restèrent également muets.

Cette misérable légende qui était, depuis des mois, le thème de tous les discours de Cavaignac, les défenseurs de Dreyfus l’ont cent fois crevée. Mais l’obstiné s’y attachait d’autant plus, parce que sa psychologie y brillait de son plus vif éclat. (« Quelque mobile qu’on veuille imaginer, je déclare que, dans ma conscience, je ne puis admettre qu’un homme ait prononcé ces mots : « Si j’ai livré des documents… », s’il ne les a pas livrés en effet…, je pèse ces mots… etc. ») Et, cette fois, outre les racontars d’Anthoine et de Mitry, et un rapport que Billot, en plein procès Zola, avait demandé au lieutenant-colonel Guérin, il avait en mains des documents qu’il croyait contemporains, la lettre antidatée de Gonse, la prétendue note du calepin de Lebrun-Renaud. Sa victoire fut complète.

Il termina par un couplet sur l’armée, « forte de la justice des actes qu’elle a eu à accomplir ».

  1. Drumont, dans la Libre Parole du 8 juillet 1898.
  2. Voir t. III, 237.
  3. Cass., I, 293, Poincaré ; 336, Barthou ; 659, Dupuy. — Jaurès écrivit le lendemain : « Je jure que Charles Dupuy m’a dit que le capitaine Lebrun-Renaud lui avait affirmé n’avoir point reçu d’aveux. » (Petite République du 8 juillet 1898.)