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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il fallait dessaisir la chambre criminelle[1]. Les « honnêtes gens » s’amusèrent beaucoup plus de Cavaignac que de Rochefort.

XVII

Il y a peu d’exemples d’une traîtrise politique aussi impudente que celle de Chanoine ; elle éclatait au grand jour. Le coup de Jarnac contre Picquart, bien qu’il en eût rejeté la responsabilité sur Zurlinden ; son obstination à maintenir le prisonnier au secret[2] ; son

    paupières avec une paire de ciseaux… Quand on les verrai ! ainsi dans l’impossibilité absolue de fermer les yeux, on introduirait de grosses araignées de l’espèce la plus venimeuse dans des coquilles de noix, qu’on appliquerait sur le globe de l’œil et qu’on fixerait soigneusement au moyen de solides cordons noués derrière la tête. Les araignées, affamées, et qui ne sont pas très délicates sur la nourriture, rongeraient peu à peu la prunelle et le cristallin jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien dans ces cavités désormais sans regard. Alors on entraînerait tous ces hideux aveugles à un pilori élevé devant le Palais de Justice où s’est commis le crime et on leur accrocherait sur la poitrine cet écriteau : « Voilà comment la France punit les traîtres qui essayent de la vendre à l’ennemi ! » (Intransigeant du 18 octobre 1898.)

  1. Temps du 20, Matin du 25. — Précédemment, Cavaignac avait déclaré que la revision n’était pas possible ; « on ne pouvait pas livrer à Dreyfus lui-même les hommes qui avaient renseigné le gouvernement sur sa trahison ». (Petit Journal du 10.) Le 8 octobre, dans un banquet au Mans que présidait Viger, il porta un toast à Mercier, « des plus hauts représentants de l’armée ».
  2. Brisson, tout en convenant que la mise au secret était légale, avait demandé à Chanoine de la lever, (10 octobre 1898.) — Petit Journal du 26, récit de Chanoine : « Je n’étais pas d’accord avec le président du Conseil, en particulier sur l’affaire Picquart. »