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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pièce, où Dreyfus, le juif, était deux fois nommé, c’était un faux[1]

Les ministres, surtout, furent stupéfaits ; celui de l’agriculture, Viger, avait annoncé que les gens du Syndicat « rentreraient dans leurs tanières[2] ».

Ce « coup de massue » dont Billot, l’année précédente, à la même époque[3], avait menacé Scheurer, il venait de s’abattre, avec un grand fracas, mais dans le vide, sans écraser personne.

À la Chambre même, l’immense vent de folie n’avait sévi que dans la salle des séances ; il tomba aux couloirs. L’affichage à peine voté, le bon sens et la réflexion succédèrent, chez plus d’un, à l’imbécillité et à la peur. L’abstention de Méline fut fort commentée ; il eut beau l’expliquer seulement par son souci de rester fidèle à sa politique : « Pas d’autre argument que la chose jugée[4] » ; on soupçonna autre chose.

Ainsi, tout de suite, le ver s’était logé dans le fruit, l’inquiétude dans le triomphe.

On remarqua beaucoup que les deux journaux qui avaient fait de l’impartialité leur tactique hésitaient à s’engager. Le Temps exposa que le champ restait ouvert « plus que jamais » à la discussion et au contrôle. Cornély, pour la dixième fois, déclara « l’affaire enterrée », puis lança cette flèche : « Il y aurait impertinence et inconvenance à ne pas être d’un avis qui a

  1. Gaulois, Écho de Paris, Autorité, Gazette de France, Patrie : « L’armée dreyfusarde serre les rangs ». « La parole libératrice nous a-t-elle libérés de quoi que ce soit ? Loin de là, M. Cavaignac, a fourni de nouvelles recrues aux partisans de Dreyfus. » (Charmes dans la Revue des Deux Mondes, du 1er août 1998.)
  2. Banquet du comice agricole d’Alençon. (Libre Parole du 15.)
  3. Juillet 1897. — Voir t. II, 515.
  4. C’est ce qu’il dit encore dans la séance du 13 décembre 1900.