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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Bard va droit à Henry. « Le lieutenant-colonel Henry était un ancien camarade d’Esterhazy ; ils avaient servi ensemble au ministère de la Guerre ; et, surtout, Henry avait son œuvre à défendre[1]. »

Du premier au dernier jour, Henry a menti, — de son rapport sur l’arrestation de Dreyfus à l’interrogatoire devant Cavaignac, « quand il a juré, par huit fois consécutives, qu’il n’avait pas fabriqué son faux « :

Il est cruel que la mort même ne puisse assurer à la mémoire d’Henry le bénéfice du silence. Mais les exigences de la vérité et de la justice ne le permettent pas[2].

Le crime d’Henry « a pesé sur toute l’Affaire ». « Mettez-vous par la pensée à la place du magistrat militaire », Pellieux ou Ravary : « Il a vu, de ses yeux vu, la preuve absolue que Dreyfus était un espion. » Esterhazy coupable, c’était le chef du service des Renseignements compromis et, sans doute, déshonoré[3].

Une seule erreur, que Manau avait déjà commise dans son réquisitoire introductif[4] : Bard suspecte l’authenticité du bordereau ; « la provenance de la fameuse lettre n’a d’autre garantie que la parole d’Henry, le fabricateur de fausses pièces[5] ». Pourtant, même en se trompant, il touchait à la vérité.

  1. Revision, 75, Bard.
  2. Ibid., 104.
  3. Ibid., 105.
  4. Ibid., 13, Manau : « D’où venait donc ce bordereau ? Henry a déclaré au général Roget que c’est un individu qu’il n’a pas nommé et que personne n’a nommé qui a apporté le bordereau. Quel agent ? et pourquoi ne l’a-t-il pas nommé ? Singulière discrétion autorisant toutes les inquiétudes sur ce point… C’est ce faussaire qui parle. Donc l’origine du bordereau devient, grâce à lui, suspecte. »
  5. Ibid., 107, Bard : « Et lorsqu’on voit des experts émettre l’opinion que ce document a été forgé, on ne peut se