Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/373

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CHAMBRE CRIMINELLE


secrètes au juif, mais lui aussi, cet homme si consciencieux et si intègre, il n’a pas plus cherché que Billot à savoir si elles ont été communiquées aux juges[1].

Zurlinden, au moins, s’était informé si la forfaiture avait été commise ; mais « il n’avait pu recueillir aucune espèce de renseignements à cet égard ». « C’est peut-être une simple légende. » Selon lui, le bordereau est de l’écriture normale de Dreyfus, un peu incertaine au recto, « parce qu’il était obligé de se servir de sa main gauche pour transcrire exactement les notes ». « Les experts de 1894 ont opéré dans le calme ; ceux de 1897, au bruit des passions. » Sur les notes du bordereau, il adopte les déductions de Cavaignac, « la théorie des trois enceintes » (artillerie, État-Major, stage), « Le bordereau ne peut pas être l’œuvre d’un officier de troupes, ni d’Esterhazy ni d’Henry[2]. »

Toutefois, il convint qu’Henry avait agi dans l’intérêt d’Esterhazy, et déplora « des dissentiments qui finiraient par tourner aux haines de religion ».

Pour Chanoine, sa conviction était fondée sur des renseignements oraux et des documents « qui ne pouvaient être divulgués sans de graves inconvénients ». La sécurité de l’État s’en trouverait compromise, et « les relations extérieures de la République[3] ».

Chanoine connaissait peut-être, Zurlinden ignora certainement le bordereau annoté. Des détournements d’Henry, dont Cavaignac avait eu la preuve par Gonse, de la caisse noire qui expliquait tant de dévouements patriotiques, pas un mot.

Ces dépositions consternèrent la majorité des conseillers ; ils avaient espéré (contre eux-mêmes, contre leur conviction déjà profonde) que ces anciens chefs de l’armée leur apporteraient au moins une explication de leur erreur.

  1. Cass., I, 18, 36, Cavaignac.
  2. Ibid., I, 42, 47, Zurlinden.
  3. Ibid., I, 51, Chanoine.
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