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CHAMBRE CRIMINELLE


Dupuy, devant le haro des braves gens, la stupeur de quelques-uns de ses collègues, s’irrita, mais ne broncha pas. La Cour de cassation intervint alors (le surlendemain), ordonna que Dreyfus fut informé, « par voie rapide », de l’arrêt qu’elle avait rendu et qui lui serait transmis, avec une expédition de la requête en revision. De plus, « il sera invité à préparer ses moyens de défense »[1].

Cavaignac, en sortant de ses deux audiences, avait dit que « c’était fini », l’affaire entendue[2]. Cette injonction d’entrouvrir le sépulcre parut, ce qu’elle était en effet, à la fois une réponse à cet halluciné et une leçon à Dupuy, sourd à la pitié[3].

Déroulède, avec Cavaignac et Lasies, voulut interpeller, sommer le Gouvernement de ne pas exécuter la décision de la Cour. Dupuy, de sens plus rassis, eut beaucoup de peine à les calmer[4].

Comme l’incident avait été soulevé par moi, il fut manifeste que la Cour suprême était aux ordres du Syndicat. Mercier précisa qu’elle avait été achetée « depuis trois ans ». Drumont et Rochefort n’appelaient plus le président Lœw que « le juif Lévy (5) ». Un juif au-

    Soleil) s’indignèrent. Guyot intitula son article : « La férocité de la peur ». Cornély écrivit : « Faut-il admettre que cet homme, si intrépide devant la bombe de Vaillant, a peur du quarteron de lionceaux en baudruche qui rugissent dans les journaux et dans les couloirs de la Chambre ? »

  1. 14 novembre 1898. (Cass., I, 52.) Câblogramme du 15, (I, 810.)
  2. Zurlinden le raconta à Constans, Dupuy aux journalistes. (Gaulois, Libre Parole, Croix, etc.)
  3. « Lorsqu’on a appris (à la Chambre) la décision de la Cour de cassation, il y a eu un vaste étonnement. Quels sont ces mortels qui, par hasard, n’ont pas peur ? » (Radical du 15.)
  4. Gaulois, Petite République, Figaro, etc.