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CHAMBRE CRIMINELLE


Encore une fois, il négocia[1], faible non par goût, mais par discernement. Dans d’autres conjonctures, il avait été énergique. Il l’eût été encore, mais avec d’autres que ces soldats. Quand il allait au Sénat, il se lamentait, pitoyable et sincère, d’être rentré aux affaires.

La raison, l’équité, l’intérêt bien entendu de l’armée et de la justice militaire avaient été sans prise sur Zurlinden[2]. Ce n’était pas pour détourner maintenant l’orage sur soi, par complaisance envers ce chef humble et suppliant qui lui aurait laissé toute la responsabilité de son acte. Il ordonna la mise en jugement, « informa » Freycinet qu’il convoquait le conseil de guerre pour le 12 décembre[3]. Les articles visés du Code pénal (faux en écriture privée) et du Code militaire (communication de pièces secrètes à une personne non qualifiée) portent la réclusion, la prison et la dégradation[4].

La colère, la douleur redoublèrent chez les revisionnistes. Bien que Zurlinden eût choisi les juges[5] selon

  1. Une note de l’Agence Havas du 28 novembre 1898 » qui avait tout l’air, selon Ribot, d’un communiqué officieux » (Chambre des députés, séance du 28), précisait que « Zurlinden n’avait reçu ni instructions ni indications du chef de l’État ni du gouvernement ». Mis en demeure par Ribot, Freycinet déclara « qu’il n’avait pas dicté la note ». Elle émanait en effet de l’Élysée. (Matin du 28.)
  2. Il hésita pendant deux jours, dit à Lalance, le 19 novembre, qu’il ajournerait les poursuites jusqu’après le verdict de la Cour de cassation.
  3. Note officielle du 20 novembre 1898 : « Le Conseil des ministres a reçu, ce matin, communication de la lettre par laquelle le général Zurlinden informe le ministre de la Guerre… etc. »
  4. Articles 150, 151, 164, du Code pénal « ordinaire », 12 de la loi du 18 avril 1886, 267 du Code de justice militaire.
  5. Le général Dosse, président, les colonels Chamoin, de Mazieux, Bonnal et Heimburger, les lieutenants-colonels du Liscoët et Duchassaing.