Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/395

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CHAMBRE CRIMINELLE


Les journalistes n’eurent qu’à laisser courir leur plume. S’ils n’étaient trop près et trop pleins de leur sujet, quelques-uns de leurs articles resteraient aux anthologies de l’avenir. La rhétorique, moitié latine, moitié romantique, fut alors le vêtement naturel des idées. « Pour l’absolue perfection du crime de l’État-Major », Jaurès voudrait que Picquart aille au bagne[1]. Clemenceau n’y consentait pas : « On ne tolérera pas que l’iniquité contre Dreyfus soit redressée au prix d’une iniquité plus grande contre Picquart[2]. » — D’autres fois, il disait avec moi qu’il n’y avait rien à redouter pour Picquart : « On ne pouvait le convaincre d’un crime qu’il n’avait pas commis, mais il fallait, par pitié, épargner à la France cette nouvelle souffrance[3] », et l’on jurait de faire dire de soi, un jour, comme des compagnons de Roland : « Ils étaient morts, ils combattaient toujours. »

Chaque soir, des réunions publiques. On s’y entassait à étouffer, dans une atmosphère de feu, pour applaudir

    E. Picot, Anatole France, Appell, Carnot, Barth, Joseph et Alexandre Bertrand, Viollet, A. Leroy-Beaulieu, Darboux, Croiset, Molinari, etc.) ; des savants (Dastre, Painlevé, le docteur Roux, Lauth, les Reclus, le docteur Javal, Richet, Giraud-Teulon) ; des professeurs (Andler, Brochard, V. Basch, Aulard, Tarde, G. Lyon, George Duruy) ; des artistes (Monet, Gallé, Roll, E. Breton, Dalou, Bruneau) ; des hommes de lettres (Marcel Prévost, Rostand, Aicard, Capus, Porto-Riche) ; des avocats (Bergougnan, Beurdeley, Lailler, Decori, Ducuing, Maze) ; d’anciens ambassadeurs (Albert Billot, Herbette) ; trois nobles (les comtes de Larmandie, Albert de Mauroy et Mathieu de Noailles) ; Hervé de Kérohant, « patriote, royaliste et chrétien » ; l’abbé Viollet ; Bamberger, ancien député de Metz ; Mlle Salomon, directrice du collège Sévigné ; la veuve de Michelet, celle de Pécaut, la fille de Peyrat ; des artistes (Sarah Bernhardt, Réjane).

  1. Petite République du 22 novembre 1898.
  2. Aurore du 18. (Vers la Réparation, 448.)
  3. Siècle du 18 (Crépuscule des traîtres, 118) ; Aurore du 25.