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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’enjeu apparent du combat était un juif, ni parce que la plupart des juifs, puis des protestants, s’engagèrent dans la lutte, par esprit de justice ou par solidarité. — Presque tous ces juifs, au contraire, et beaucoup de protestants se montrèrent fort réservés sur la question religieuse, pour ne pas aviver davantage les haines, et pour cette autre raison, plus noble, qu’ayant souffert dans le passé, plus que quiconque, de l’intolérance, ils en réprouvaient jusqu’à l’apparence. — Mais parce que la Révolution, quand elle se défend, quand elle combat pour elle-même, c’est toujours contre sa plus ancienne, son irréconciliable ennemie, l’Église.

Michelet raconte « qu’un de nos meilleurs évêques » lui dit un jour qu’il n’était plus question, parmi les catholiques, de la lutte de la Grâce et de la Justice. Force lui fut de rappeler que c’était « le fond même du dogme[1] ». On le vit bien, cela se vérifia une fois encore dans cette nouvelle rencontre où les forces du passé se coalisèrent précisément contre la justice.

Non point que tous les catholiques fussent insensibles à l’idée de justice. Plusieurs, on le sait, s’étaient déclarés résolument, dès l’hiver précédent ; d’autres les avaient rejoints. Mais ceux-là même qui vinrent au secours des principes essentiels de la Révolution n’en eurent point le sens. À la première réunion du Comité directeur de la Ligue, Viollet proposa d’émettre ce vœu : « Que les congréganistes fussent admis à enseigner dans les écoles », parce que, disait-il, « l’article 6 de la Déclaration prononce que tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leur vertu et de leur talent ». Il ajouta : « Ce serait un coup droit à

  1. Révolution Française, I, 20.