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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


des concierges, avec le procès-verbal, au jour le jour, des allées et venues et tant de hâbleries sinistres du drôle, manifestement prises sur le vif ; les demi-aveux de sa maîtresse ; la déposition d’un ancien soldat à qui il avait fait dessiner un fusil Lebel ; celle du fils du général Grenier sur l’homme qui « parlait incessamment ses lettres à Mme de Boulancy », dont Billot avait dit que c’était un « bandit » et qui, depuis la dénonciation de Mathieu Dreyfus, avait modifié son écriture[1] ; la confession de Maurice Weil sur les escroqueries de son ancien ami[2] ; rien n’y fit. Quand l’expert Gobert[3] déclara que l’identité entre l’écriture du bordereau et celle d’Esterhazy était rendue plus frappante encore par l’identité entre le papier de la fameuse lettre et celui des lettres saisies chez l’huissier Callé : « Oui, interrompit Sevestre, si ces lettres sont authentiques. » En effet, Rochefort, Drumont et Mercier[4] disaient que c’étaient des faux, fabriqués par les juifs.

Quelque accoutumé qu’on fût au cynisme des rapiècements, Lebrun-Renaud étonna. Il convint d’avoir conclu son rapport sur la dégradation par ces mots : « Rien à signaler » (parce qu’on n’avait pas osé le supprimer), et quand on lui demanda la feuille de son calepin, où il aurait noté le lendemain sa conversation avec Dreyfus, il révéla qu’après l’avoir fait voir à Cavaignac, il l’avait détruite[5]. Il dit une fois : « On peut très bien ne pas

  1. Cass., I, 697, Jules Roche ; 785, Gérard ; 884, Choinet ; 795, Pays ; 794, Écalle et Bousquet ; 711, Grenier. — Ces dépositions furent reçues par des conseillers délégués à cet effet, Atthalin et Dumas qui en rendirent compte.
  2. Ibid., 269 et 502, Gobert.
  3. Intransigeant et Libre Parole du 11 novembre 1898.
  4. Mercier le dit encore à Rennes (I, 137).
  5. La cour de cassation (I, 52) avait demandé communication de cette feuille au ministère de la Guerre. (14 novembre.)